Loyers professionnels et commerciaux durant et après l’état d’urgence sanitaire
Le Ministère de l’économie et des finances a publié, le 17 avril, un communiqué de presse pour faire état des discussions menées avec les principales fédérations de bailleurs commerciaux, la Fédération français de l’assurance (FFA), et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
En résumé, « les principales fédérations de bailleurs (la FSIF, l’AFG, l’ASPIM, le CNCC) la FFA et la Caisse des dépôts et consignations, ont appelé leurs adhérents à annuler trois mois de loyers pour les TPE qui sont contraintes de fermer en application de l’arrêté du 15 mars 2020. Concernant les autres entreprises fragilisées par la crise économique et sanitaire, ils ont demandé à leurs adhérents d’engager des discussions avec leurs locataires en difficultés pour réduire la tension sur leur trésorerie, en adaptant au cas par cas la réponse, et les aménagements qui pourraient être accordés ».
Les fédérations de bailleurs, la FFA et la Caisse des dépôts appellent les fédérations de commerçants à rédiger avec elles, sous l’égide du ministre de l’Economie et des Finances, un code de bonne conduite des relations entre les propriétaires et les locataires commerciaux dans le cadre de la situation de crise économique.
Le ministre de l’Economie et des Finances a annoncé qu’il nommera un médiateur pour veiller à la bonne application de ce code, et au règlement amiable des différends qui pourront naître entre propriétaires et locataires de commerces.
Les accords négociés dans ce cadre n’auront pas vocation à s’appliquer en dehors de celui-ci.
Sachant que ces fédérations de bailleurs regroupent essentiellement les bailleurs de centres commerciaux, nombre de situations ne seront pas traitées et seront réglées au cas par cas, entre bailleurs et preneurs, à moins qu’il ne soit légiféré sur le sujet.
Trois questions principales peuvent être évoquées en l’état de la situation actuelle :
Nous avons tous découvert, en prenant connaissance, notamment, de l’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-316, entérinant les annonces du chef de l’Etat, que le dispositif mis en place est loin de répondre aux préoccupations des chefs d’entreprises, et des bailleurs.
L’article 4 de cette ordonnance dispose que :
« Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »
Et, en application des dispositions de l’article 1er de cette ordonnance, sont éligible à cette mesure :
« Les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure.
Les critères d’éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la crise sanitaire. »
Le dispositif se limite à prévoir que le non-paiement des échéances de loyers commerciaux, par les personnes éligibles au fonds de solidarité, durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à deux mois après le terme de celui-ci, n’est pas susceptible de sanction. Il n’est rien précisé quant à la date d’exigibilité des échéances. Sont-elles annulées ou reportées ? Et dans ce dernier cas, quand seront-elles exigibles ?
Aucune disposition de ce texte ne dispense donc expressément les personnes qu’elle vise de ne pas payer les loyers commerciaux ou professionnels dont elles sont redevables.
L’article 3 de l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020, statuant sur l’exigibilité des factures d’eau, de gaz et d’électricité durant la même période, prévoit expressément que : « Le paiement des créances dues à ces échéances ainsi reportées est réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures sur six mois, à partir du mois suivant la date de fin de l'état d'urgence sanitaire. » Il est acquis que, la distinction opérée par le gouvernement entre les factures de gaz, d’électricité et d’eau et les échéances des loyers commerciaux et professionnels, au sein de cette ordonnance qui ne compte que 4 articles, implique que les loyers non payés ne subiront pas le même sort que les factures d’énergie.
En l’absence de réponse claire du Gouvernement, il apparait en l’état que toutes les entreprises sont logées à la même enseigne et qu’elles doivent appréhender la question du paiement de leur loyer commercial ou professionnel de la même manière.
L’imprécision du dispositif adopté, conjuguée avec l’imprécision du discours et à la dégradation de la santé économique des entreprises, sera source d’un grand nombre de contentieux à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire.
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, dispose, sans distinction : « Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er ».
« Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er. »
Les locataires, sans pour autant être dispensés du paiement de leurs loyers, sont protégés des effets d’une clause résolutoire et/ou de pénalités courus durant la période de confinement. Seuls des intérêts au taux légal serait du dès lors qu’une mise en demeure de payer aurait été notifiée au preneur.
Il faudra veiller au délai d’un mois qui suivra la fin de la période visée au I de l’article 1er de l’ordonnance précitée afin, soit de payer les arriérés visés dans un éventuel commandement visant la clause résolutoire, soit de les contester judiciairement, soit de demander judiciairement la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement pouvant aller jusqu’à 24 mois ou un report de paiement pouvant aller également jusqu’à 24 mois (article 1343-5 du code civil).
Quels sont, en l’absence d’édiction par les ordonnances publiées à ce jour d’un principe de non-paiement des loyers commerciaux et professionnels, les autres sources du droit permettant aux locataires de justifier, sans responsabilité ni sanction, un non-paiement ou un retard de paiement des loyers commerciaux dus ?
La force majeure :
L’article 1218 du Code Civil définit la force majeure comme suit : il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Le preneur invoquant la force majeure doit donc justifier de trois conditions cumulatives :
- La survenance d’un évènement échappant à son contrôle.
- Imprévisible lors de la conclusion du contrat.
- Irrésistible, c’est-à-dire auquel le preneur ne peut remédier par l’adoption de quelque mesure que ce soit.
Contrairement à certaines idées reçues, ce n’est pas parce que la crise sanitaire a été prévue par le législateur et que le Covid 19 est considéré par les pouvoirs publics comme un cas de force majeure, que les parties peuvent suspendre toutes leurs obligations contractuelles, ne plus rien payer et s’affranchir de tout délai contractuel.
La jurisprudence a exclu la possibilité d’invoquer la force majeure pour s’opposer au paiement.
Sauf texte contraire des pouvoirs publics, la force majeure ne pourra pas faire l’objet d’une application systématique conduisant, pour toutes les entreprises, à la suspension du paiement de ses loyers commerciaux ou professionnels. Une appréciation au cas par cas est de rigueur.
La force majeure ne peut donc être invoquée comme seul motif pour ne pas payer ses loyers, elle devra s’accompagner de la démonstration de l’impossibilité de payer les loyers, conséquence soit de la mesure administrative de fermeture frappant l’activité exercée par le locataire, soit de la réduction d’activité liée à l’application des mesures de confinement et/ou à l’impossibilité de poursuivre son activité en respectant les mesures de sécurité permettant de préserver la santé des salariés notamment.
Les sociétés, bien que constatant une importante baisse de leur chiffre d’affaires, pourraient en effet, en cas d’action judiciaire de leur bailleur postérieure à la crise sanitaire pour non-paiement des loyers antérieurs, se voir opposer l’inapplicabilité de la théorie de la force majeure dès lors qu’elles ne justifieraient pas d’une impossibilité de payer.
En l’espèce, les sociétés ayant réussi à maintenir une activité réduite en mettant notamment en place un système de roulement de leurs salariés et/ou leur placement en télétravail, ou qui aurait trouvé d’autres débouchés, tels la vente en ligne, ne pourraient justifier de la suspension du paiement des loyers en raison de la force majeure.
L’imprévision : Sera-t-il possible de renégocier le prix du loyer ?
La renégociation pourrait être envisagée en application des dispositions de l’article 1195 du code civil :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »
Trois conditions doivent être réunies :
Le locataire dont le chiffre d’affaires aurait considérablement baissé pourrait invoquer l’imprévision pour solliciter la renégociation du prix du loyer.
Deux vérifications s’imposent à la partie qui souhaiterait faire valoir ce moyen ; la date de conclusion du contrat et le contenu du contrat sur cette notion : l’écarte-t-il ? Comment la définit-il ? Comment la gère-t-il ?
Le paiement d’un loyer commercial ou professionnel à hauteur de celui prévu par le contrat de bail alors que l’activité du preneur décline sensiblement semble répondre à cette condition. Il faut cependant démontrer le caractère excessivement onéreux du maintien du paiement de ce loyer (réalisation d’un tableau comparatif du CA avant et après l’état de crise sanitaire).
Le critère « excessivement onéreux » est subjectif. Il est donc fort probable qu’il soit sujet à d’âpres débats.
Il est important de souligner que l’imprévision ne permet pas de suspendre ou d’arrêter l’exécution contenue dans le contrat qu’elle affecte. Pour que l’imprévision permette au locataire de s’affranchir du paiement de la totalité ou d’une partie des loyers commerciaux dus au bailleur, il faut l’accord de ce dernier ou une décision du juge.
Il apparait donc important, dans tous les cas, de ne pas attendre de la fin de l’état de crise sanitaire pour informer son bailleur de sa situation et pour engager des négociations, que ce soit pour solliciter, une suspension des loyers, un report de ceux-ci, un échelonnement de leur paiement, ou bien une révision du prix du loyer.
Même en l’absence de repère sur ce que sera l’activité économique dans les prochains mois, la pérennité de beaucoup d’entreprises sera liée à la maitrise des charges fixes, au rang desquelles appartiennent les loyers et charges locatives.
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